Vente d’un immeuble non conforme aux règlements municipaux : Quelle responsabilité pour le vendeur et quels recours pour l’acheteur ?

Lors de l’achat d’un immeuble, de mauvaises surprises peuvent nous arriver. Il peut arriver que l’immeuble acheté ne soit pas conforme aux règlements municipaux, spécifiquement, qu’un ou plusieurs logements de l’immeubles tombent sous le coup d’un règlement qui en prohibant l’aménagement et peut donc engendrer des pertes de revenus locatifs, ainsi que des dépenses supplémentaires, et bien souvent conséquentes, pour remettre le logement aux normes.

Dans une telle situation, qui engage sa responsabilité civile ? Le vendeur ? L’acheteur a-t-il des recours en dommages ?

Définition de la non-conformité des bâtiments aux règlements municipaux.

Premièrement, il convient de définir quelle est la qualification juridique d’une non-conformité d’un immeuble aux règlements municipaux?

Il est bien établi dans la jurisprudence que « une problématique eu égard au zonage, particulièrement quant au nombre de logement conforme, constitue un exemple patent de ce que constitue cette notion de limitations de droit public. » (Perron c. 3005551 Canada Inc., 2019 QCCQ 946 [100]). La notion de limitation de droit public se retrouve à l’article 1725 du C.c.Q qui dispose que « Le vendeur d’un immeuble se porte garant envers l’acheteur de toute violation aux limitations de droit public qui grèvent le bien et qui échappent au droit commun de la propriété.

Le vendeur n’est pas tenu à cette garantie lorsqu’il a dénoncé ces limitations à l’acheteur lors de la vente, lorsqu’un acheteur prudent et diligent aurait pu les découvrir par la nature, la situation et l’utilisation des lieux ou lorsqu’elles ont fait l’objet d’une inscription au Bureau de la publicité foncière. ».

Des conditions d’application de la garantie du vendeur sont précises :

1. Le vendeur ne doit pas avoir dénoncé la violation lors de la vente.
2. La limitation de droit public ne doit pas avoir été inscrite au bureau de la publicité des droits.
3. La violation doit être non apparente.
4. L’acheteur ne doit pas en avoir eu connaissance lors de la vente.
5. Un préavis doit être donné au vendeur dans un délai raisonnable de la connaissance de la violation.

Quelle est la responsabilité du vendeur ?

Deuxièmement, quelle est la responsabilité du Vendeur ? La garantie du droit de propriété repose sur le vendeur. La jurisprudence rappelle que « cette garantie comporte une obligation accessoire de renseignements devant permettre à l’acheteur de se faire une idée raisonnable de la conformité du bien » et ajoute que « le vendeur est présumé connaitre les charges et limitations qui affectent l’immeuble qu’il vend ». (Nadeau c. Lefebvre, 2020 QCCQ 4908, [32]).

En d’autres termes, le vendeur est garant de l’absence de limitations de droit public s’attachant à l’immeuble, et une présomption de connaissance des charges et limitations rattachées à l’immeuble qu’il vend pèse sur lui.

Même dans le cas où le vendeur n’a pas connaissance de la non-conformité, en raison d’une tolérance de la municipalité par exemple, cela ne constitue pas un moyen d’exonération de la responsabilité civile du vendeur (Perron c. 3005551 Canada Inc., 2019 QCCQ 946 [104], [106]).

Possibilité d’engager la responsabilité, même si l’on agit de bonne foi.

De la même manière, le vendeur tenu à la garantie contre la violation d’une limitation de droit public peut s’exposer au paiement de dommages-intérêts et donc, voir sa responsabilité civile engagée même s’il est de bonne foi (Julien c. Silva, 2019 QCCQ 1944, [59]).

Toujours en matière de responsabilité civile du vendeur, la jurisprudence a déclaré à de nombreuses reprises que la présence d’une clause contractuelle relative à l’obligation de l’acquéreur de prendre l’immeuble dans l’état où il se trouve et de vérifier lui-même si la destination qu’il souhaite donner à l’immeuble est conforme aux lois et règlements en vigueur n’exonère pas le vendeur de sa responsabilité.

Une telle clause n’atténue donc pas la responsabilité du vendeur, et ne peut donc être invoquée à l’encontre de la garantie du droit de propriété (Gravino c. Garone, 2019 QCCS 111, [81]).

Difficile pour un vendeur d’éviter la responsabilité civile

Ce qui se dégage de la jurisprudence, dans l’ensemble, c’est qu’il est difficile pour un vendeur de se défaire de sa responsabilité civile et que des clauses contractuelles ne peuvent pas être formulées à l’égard de la garantie de propriété.

Ainsi, avant de procéder à la vente, le vendeur devra redoubler de vigilance et veiller à ce que l’immeuble soit compatible avec les lois et règlements en vigueur. Réciproquement, l’acheteur qui découvre que l’immeuble est en non-conformité avec un règlement municipal sera alors en mesure de formuler un recours en dommages-intérêts.

En effet, à de nombreuses reprises, la jurisprudence a fait droit à des réclamations pour perte de revenus locatifs, formulées par des acheteurs d’immeuble non conforme aux règlements municipaux. Par exemple dans une affaire, il a été jugé qu’il convient d’accorder un revenu locatif au nouveau propriétaire, couvrant la période d’exécution de travaux pour une mise aux normes de l’immeuble (Pleasance c. Beaulieu, 2002 CanLII 41750 (QCCQ) [59]).

Dans certains cas, les juges optent pour un dédommagement sous forme de réduction du prix de vente, qui varie selon les circonstances de l’affaire.

Pour ce faire, le juge va calculer l’écart entre le prix de vente payé, et la juste valeur marchande avec un, ou deux logements en moins car ceux-ci ne sont pas conformes. (Leblanc c. Morin, 2012 QCCS 3771 [119]).

Des exemples d’autres dommages-intérêts qui peuvent également être accordés

D’autres dommages peuvent aussi être accordés, par exemple lorsque l’acheteur demande le remboursement de frais d’architecte encourus pour se conformer à l’avis de non-conformité de la municipalité, de frais d’avocat, ou encore des dommages-intérêts pour troubles, ennuis et inconvénients.

En définitive, le vendeur engage sa responsabilité civile lorsque l’immeuble vendu n’est pas conforme aux normes et règlements municipaux.

Car en effet, il est ancré dans la jurisprudence que les règlements municipaux constituent une limitation de droit public et échappe donc au droit commun de la propriété.

Les règlements municipaux qui s’appliquent aux immeubles constituent selon la jurisprudence, une servitude légale non apparente et à ce titre, le vendeur est obligé de la dénoncer à l’acheteur.

Que vous soyez acheteurs ou vendeurs, n’hésitez pas à vous faire accompagner dans vos démarches par nos avocats spécialistes en droit immobilier et en droit civil.

REMARQUE : Cet article ne constitue pas un avis juridique ou une opinion juridique. Il vise uniquement à informer les lecteurs de certains aspects des lois entourant le droit de la responsabilité civile dans la province de Québec et au Canada.