Une hypothèque légale au bénéfice de toute personne ayant participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble

Vous avez participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble et le client refuse de payer ? N’ayez crainte, vous avez de fortes chances d’être légalement protégé !

L’article 2427 du Code civil du Québec liste l’ensemble des hypothèques légales prévues à ce jour par la loi. Le point 2 de cet article vise les créances des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble, ouvrant ainsi à leur bénéfice la possibilité d’intenter un recours en justice en cas de défaut de paiement de la part du débiteur de la créance.

Un droit réel sur un bien affecté à l’exécution d’une obligation

L’article 2660 du même code définit la notion d’hypothèque comme « un droit réel sur un bien, meuble ou immeuble, affecté à l’exécution d’une obligation ».

L’hypothèque est donc un droit qui grève un bien et qui accorde notamment à celui qui en bénéficie la possibilité de suivre le bien en quelque main qu’il se trouve. En d’autres termes, votre droit est attaché au bien auquel il est affecté et vous pourrez le faire valoir même si votre débiteur l’a fait sortir de son patrimoine en le vendant, le cédant, le donnant ou en s’en départissant suivant tout autre mode d’aliénation.

En matière d’hypothèque légale du domaine de la construction, l’hypothèque est attachée au bien construit ou rénové ou, devrait-on dire de façon plus précise, au droit réel détenu sur l’immeuble par celui qui demande les travaux.

Les hypothèques légales sont prévues spécifiquement par la loi et donnent automatiquement un droit d’hypothèque au bénéficiaire sans que les parties n’ait rien convenu en ce sens au préalable. Ces hypothèques obéissent aux règles générales des hypothèques conventionnelles prévues aux articles 2660 à 2802 du Code civil du Québec et donnent accès aux mêmes recours.

Un droit automatique ne nécessitant pas l’accomplissement de formalités pour son acquisition

L’article 2727 du Code civil du Québec prévoit que l’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble subsiste, quoi qu’elle n’ait pas été publiée, pendant les 30 jours qui suivent la fin des travaux. Il en résulte que, contrairement aux autres hypothèques légales, l’hypothèque légale de la construction et de la rénovation ne nécessite pas que soient accomplies des formalités obligatoires pour son acquisition.

Toutefois, si le bénéficiaire souhaite conserver cette hypothèque, il lui faudra inscrire un avis d’hypothèque avant l’écoulement de ce délai.

Cet avis devra désigner :

  1. l’immeuble grevé,
  2. indiquer le montant de la créance due et
  3. être signifié au propriétaire de l’immeuble.

Enfin, il sera primordial de publier une action en justice contre le propriétaire de l’immeuble ou d’inscrire un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire dans les six mois de la date de fin des travaux sous peine de voir le droit d’hypothèque légale s’éteindre.

Les bénéficiaires du droit d’hypothèque légale du domaine de la construction

L’article 2726 du Code civil du Québec dresse une liste exhaustive des bénéficiaires de ce droit d’hypothèque légale du domaine de la construction. Ils sont les suivants :

– Les architectes;
– Les ingénieurs;
– Les fournisseurs de matériaux;
– Les ouvriers;
– Les entrepreneurs;
– Les sous-entrepreneurs.

Ces bénéficiaires peuvent être ou des personnes physiques ou des personnes morales avec une exception pour les ouvriers : ceux-ci se livrant par définition à un travail manuel, ils ne pourront être que des personnes physiques.

Les créances garanties par le droit d’hypothèque légale du domaine de la construction

Les dispositions du Code civil du Québec aux articles 2726 et 2728 prévoient certaines conditions pour que la créance soit garantie par le droit d’hypothèque légale du domaine de la construction.

En ce sens, la loi prévoit que :

– Il doit s’agir de travaux de construction ou de rénovation ayant donné une plus-value à un immeuble : la Cour d’appel a, de longue date (Beylerian c. Constructions et rénovations Willico Inc. 1997. R.J.Q. 1246, REJB 1997-00639), établi que l’existence d’une plus-value est une condition d’existence de la créance garantie par hypothèque légale;

– Ces travaux doivent avoir été demandés par le propriétaire de l’immeuble : il est à préciser que la notion de propriétaire ici ne s’entend pas de manière stricte. Elle s’entend de toute personne qui détient un droit réel sur l’immeuble pouvant être hypothéqué. En ce sens, les travaux demandés par un locataire ne feront pas naître d’hypothèque légale en faveur des participants à la construction à moins que le locataire ne s’avère être un mandataire réel ou apparent du propriétaire;

– Dans certains cas, ces travaux doivent avoir été dénoncés au propriétaire : même si ces travaux doivent avoir été demandés par le propriétaire, les personnes ayant participé à la construction ou à la rénovation de l’immeuble ne sont pas tenues de contracter avec le propriétaire pour bénéficier des droits que confère l’hypothèque légale. Toutefois, en vertu de l’article 2728 du Code civil du Québec, il faudra impérativement que ces personnes aient dénoncé leur contrat au propriétaire;

– Le sort des matériaux ou des services fournis ou préparés pour ces travaux : L’article 2726 du Code civil du Québec énonce explicitement que les matériaux servant aux travaux, non incorporés à l’immeuble mais utilisés dans le processus de construction / rénovation ou encore simplement préparés à cet effet donnent droit à une créance garantie par hypothèque légale. Il est à préciser que les travaux ou matériaux fournis concernent un lot déterminé : toutefois, si un entrepreneur reçoit un contrat de construction touchant plusieurs lots il faudra considérer qu’il y a une hypothèque légale par unité d’exploitation. L’unité d’exploitation peut se définir comme l’étendue de terrain que le propriétaire utilise pour une même fin et qui forme une entité complète. A ce sujet, une décision de la Cour du Québec dite Canac-Marquis Grenier Ltée c. Gestion immobilière Santi Inc. 2018 QCCQ 7761, EYB 2018-303941 est venue préciser qu’il peut y avoir apparence d’une seule unité d’exploitation lorsque les travaux ne sont pas terminés. L’absence de ventilation n’invalidera pas l’avis d’hypothèque légale validement inscrit.

Conclusion

En conclusion, l’hypothèque légale du domaine de la construction permet aux personnes ayant participé à la rénovation ou à la construction d’un immeuble d’obtenir en justice le paiement sur le prix de cet immeuble en cas de non-paiement des travaux. Cette hypothèque légale a de nombreux bénéfices pratiques étant donné l’abondance des litiges en cette matière.

Toutefois, les bénéficiaires de cette hypothèque devront faire preuve de rigueur : si aucune formalité n’est requise pour l’acquisition de l’hypothèque, il faudra néanmoins inscrire impérativement un avis d’hypothèque légale dans les trente jours de la fin des travaux, publier une action en justice contre le propriétaire de l’immeuble ou inscrire un préavis d’exercice dans les six mois de la date de la fin des travaux .

C’est ici que l’hypothèque légale du domaine de la construction prend tout son sens car, un droit non assorti de la possibilité de le mettre en œuvre, à savoir d’une action en justice, équivaut à son inexistence.

NOTE : Cet article ne constitue pas un avis juridique ou une opinion juridique d’un avocat spécialisé en droit immobilier. Il est plutôt fourni uniquement pour informer les lecteurs de certains aspects entourant les détails des lois entourant les hypothèques légales de construction au Québec.