Lorsqu’on parle d’hypothèques, on pense souvent aux prêts bancaires servant à financer l’achat d’une maison. Pourtant, le droit québécois prévoit aussi des hypothèques légales, qui naissent automatiquement dans certaines situations en droit immobilier. Parmi celles-ci figure l’hypothèque légale de construction, laquelle s’applique directement aux travaux réalisés sur un immeuble.
Dans cet article, on explique de façon simple :
- Quels sont les types d’hypothèques légales prévues par la loi ;
- Comment fonctionne l’hypothèque légale de construction ;
- Qui peut en bénéficier ;
- Quelles sont les formalités à respecter pour la conserver ;
- Quelle est sa priorité par rapport aux autres créances ;
- Et enfin, sa radiation.
Les différents types d’hypothèques légales
Le Code civil du Québec reconnaît quatre grandes catégories d’hypothèques légales.
1. Les créances de l’État et des organismes publics
Cela concerne par exemple des dettes fiscales ou encore des montants dus en vertu de lois particulières.
2. Les créances liées à la construction ou à la rénovation d’un immeuble
C’est ici qu’entre en jeu l’hypothèque légale de construction, qui vise à protéger les architectes, ingénieurs, fournisseurs de matériaux, ouvriers et entrepreneurs ou sous-entrepreneurs.
3. Les créances du syndicat de copropriété
Lorsqu’un copropriétaire ne paie pas ses charges communes, le syndicat dispose d’une hypothèque légale pour garantir ce paiement.
4. Les créances résultant d’un jugement
Un créancier qui obtient un jugement peut bénéficier d’une hypothèque légale pour assurer l’exécution de la décision.
Ici, nous allons nous concentrer davantage sur l’hypothèque légale de construction.
Qu’est-ce qu’une hypothèque légale de construction ?
L’hypothèque légale de construction est un mécanisme prévu par la loi pour protéger les personnes qui contribuent à la construction ou à la rénovation d’un immeuble.
Concrètement, si un propriétaire fait réaliser des travaux, mais tarde à payer, les personnes qui ont participé au projet disposent d’un droit particulier. Elles peuvent inscrire une hypothèque légale sur l’immeuble concerné, lequel devient alors une garantie de paiement.
Qui peut bénéficier d’une hypothèque légale de construction ?
Plusieurs acteurs du milieu de la construction peuvent se prévaloir de cette protection :
- Les architectes qui conçoivent les plans ;
- Les ingénieurs qui encadrent la structure ou la mécanique du bâtiment ;
- Les entrepreneurs généraux et leurs sous-traitants ;
- Les fournisseurs de matériaux ;
- Les ouvriers qui exécutent les travaux.
En résumé, toute personne qui apporte une valeur ajoutée à l’immeuble, que ce soit par son savoir-faire ou par les matériaux fournis, peut invoquer ce droit.
Une hypothèque qui existe automatiquement
L’un des points essentiels à comprendre est que l’hypothèque légale de construction naît automatiquement. Autrement dit, dès que les travaux sont réalisés ou que les matériaux sont fournis, ce droit existe sans qu’il soit nécessaire de faire une démarche particulière.
Cependant, il faut savoir que, pour être valable contre les tiers, l’hypothèque légale de construction doit être inscrite au registre foncier avec le montant de sa créance dans un délai de 30 jours suivant la fin des travaux. De plus, un avis de cette inscription doit obligatoirement être transmis au propriétaire de l’immeuble afin de l’en informer officiellement.
Ces deux démarches sont essentielles : si l’inscription au registre n’est pas effectuée ou si l’avis n’est pas transmis au propriétaire, l’hypothèque légale risque de disparaître et de devenir sans effet.
Les étapes pour conserver l’hypothèque légale de construction
Pour que l’hypothèque légale de construction reste valide et efficace, la loi prévoit plusieurs délais stricts :
1. Inscription dans les 30 jours suivant la fin des travaux
- Un avis doit être publié au registre foncier.
- Cet avis doit indiquer l’immeuble concerné, préciser le montant de la créance et être transmis au propriétaire.
2. Action judiciaire ou préavis dans les 6 mois
- Après l’inscription, le créancier a 6 mois pour intenter une action contre le propriétaire ou publier un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire.
- Si rien n’est fait dans ce délai, l’hypothèque s’éteint automatiquement.
Ces étapes sont cruciales, plusieurs créanciers perdent leurs droits simplement parce qu’ils n’ont pas respecté les délais prévus par le Code civil.
Contrat direct ou indirect avec le propriétaire
Il existe une distinction importante selon que le contrat a été conclu directement avec le propriétaire ou non.
-
Si le contrat est direct avec le propriétaire :
L’hypothèque garantit la totalité de la plus-value apportée à l’immeuble par les travaux, matériaux ou services.
-
Si le contrat n’est pas direct (ex. sous-traitants)
L’hypothèque ne couvre que les travaux, matériaux ou services qui suivent la dénonciation écrite du contrat au propriétaire.
Exception : les ouvriers n’ont pas l’obligation de dénoncer leur contrat pour être protégés.
La question de la priorité
En matière de construction, les hypothèques légales bénéficient d’un rang prioritaire sur les autres hypothèques publiées, comme celles détenues par les banques.
Cependant, ce privilège n’est pas illimité :
- L’hypothèque légale ne porte que sur la plus-value créée par les travaux.
- Si plusieurs créanciers détiennent une hypothèque légale de construction et réclament simultanément leur dû, la répartition se fait au prorata de la valeur de leurs créances respectives.
En pratique, cela signifie qu’un créancier bancaire pourrait voir sa garantie réduite au profit d’un entrepreneur ou d’un fournisseur qui n’a pas été payé.
L’extinction de l’hypothèque légale de construction
Si, dans les six mois suivant l’inscription ou la fin des travaux (selon la date la plus tardive), aucune action n’a été intentée ni aucun préavis publié, tout intéressé peut demander la radiation, à condition d’en aviser les créanciers et d’en fournir la preuve au moins dix jours avant la présentation de la demande à l’Officier de la publicité foncière.
Cela évite que ces hypothèques légales restent inscrites indéfiniment au registre, alors qu’aucune procédure n’a été entreprise pour les faire valoir.
Pourquoi est-il important de connaître ce mécanisme ?
Pour les entrepreneurs et fournisseurs : c’est un outil de protection incontournable pour sécuriser le paiement de leurs travaux ou de leurs fournitures.
Pour les propriétaires : cela les oblige à vérifier que leurs entrepreneurs paient bien leurs sous-traitants et fournisseurs.
Conclusion
L’hypothèque légale de construction est un outil puissant du Code civil du Québec. Elle permet de protéger les acteurs du milieu de la construction et d’assurer que ceux qui participent à un projet immobilier soient rémunérés pour leur travail et leurs matériaux.
Cependant, ce droit ne s’exerce pas sans rigueur. Il faut publier un avis dans les 30 jours et agir dans les 6 mois pour le conserver. À défaut de radiation des inscriptions inactives.
En somme, que vous soyez entrepreneur, fournisseur, ou même propriétaire, bien comprendre le fonctionnement de l’hypothèque légale de construction est essentiel pour éviter de mauvaises surprises et protéger vos droits.
Si vous avez besoin d’aide en lien avec le droit immobilier ou une hypothèque légale de construction, contactez-nous dès maintenant.
REMARQUE : Cet article ne constitue pas un avis juridique. Il est fourni à titre informatif seulement afin d’aider les lecteurs à mieux comprendre certains aspects liés aux hypothèques légales en construction. Chaque situation étant unique, nous recommandons de consulter un avocat ou un professionnel du droit immobilier pour une évaluation personnalisée de votre dossier.