Chute ou accident d’un bénéficiaire dans un établissement hospitalier : les réflexes à avoir

Bien souvent, lorsque nous-même ou un proche se retrouve dans un établissement hospitalier ou dans un centre d’hébergement et de soins longue durée (CHSLD), nous nous attendons à y résider de façon sécuritaire, d’autant plus que bien souvent, on s’y trouve dans une situation de vulnérabilité.

Cependant, des accidents peuvent arriver : des incidents les plus bénins, aux accidents les plus graves tels qu’une chute de lit, ou encore une chute des escaliers. De tels accidents peuvent compliquer encore plus l’état de santé du bénéficiaire voie même, provoquer le décès de celui-ci.

Alors, si un proche fait une chute ou est victime d’un accident dans un établissement hospitalier, ou encore, dans un état de confusion, qu’il sorte par une porte de secours n’étant pas équipé d’un délai d’ouverture ou d’un système d’alarme, que pouvez-vous faire pour mettre la lumière sur les circonstances de cet accident?

Aussi, y a-t-il une voie de recours pour engager la responsabilité civile du professionnel agissant dans l’établissement où l’incident a eu lieu voire, de l’établissement en question ?

I. Adopter les bons réflexes : documenter le dossier d’usager

Il arrive que dans des établissements hospitaliers ou dans des CHSLD, des incidents plus ou moins graves se produisent à une fréquence plus ou moins importante. Cela signifie que les incidents ne sont pas nécessairement isolés, mais peuvent être récurrents.

Dans l’hypothèse où l’un de votre proche fait par exemple, des chutes de son lit de manière récurrente, il est très important de veiller à ce que ces incidents se retrouvent dans le dossier de l’usager.

Pourquoi cela est le bon reflexe à adopter ?

Tout simplement car le dossier de l’usager vous sera accessible si vous formulez une demande de communication de document à l’établissement qui accueille votre proche, en vue de le produire devant un tribunal. L’inscription ou la mention de chaque incident, avec de préférence le plus de détails possibles, dans le dossier d’usager du bénéficiaire permet de répertorier les dysfonctionnements ayant eu lieu, des plus petits aux plus importants. La récurrence d’incident et particulièrement, la récurrence d’un incident spécifique ou unique, pourrait indiquer un problème systémique survenant dans l’établissement.

Les établissements hospitaliers et les CHSLD sont encadrés par la Loi

En principe, les établissements hospitaliers et les CHSLD sont encadrés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS). Le but et objectifs même de cette loi est d’agir pour le « maintien et l’amélioration de la capacité physique, psychique et sociale des personnes d’agir dans leur milieu et d’accomplir les rôles qu’elles entendent assumer d’une manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie. », et plus particulièrement à « réduire la mortalité due aux maladies et aux traumatismes ainsi que la morbidité, les incapacités physiques et les handicaps » (Article 1).

Cette loi, donc, tend à « assurer aux usagers la prestation sécuritaire de services de santé et de services sociaux » (Article 8.1°).

Pour ce faire, elle prévoit que les établissements hospitaliers et CHSLD doivent mettre en place des comités de gestion des risques, dont les objectifs principaux sont d’une part de prévenir et de limiter les risques pour les bénéficiaires et d’autre part, d’analyser les risques et d’en limiter la récurrence (Article 183.3).

Il est donc fondamental de veiller à faire apparaitre chaque incident et/ou accident dans le dossier d’usager, car comme nous l’avons vu, le dossier d’usager ainsi que toutes les mentions s’y retrouvant ne tombent pas sous le coup de la protection légale de la confidentialité.

Le dossier d’usager peut donc être communiqué, et ainsi présenté au juge dans le cas d’une instance judiciaire.

II. Contexte : La Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS)

Si cette loi pose les principes généraux qui encadrent les activités des centres hospitaliers et CHSLD, cette loi comprend aussi des dispositions relatives au fonctionnement et à la formation de comités de gestion de risque, dont le but est de prévenir et d’éviter les risques d’incident ou d’accident afin d’assurer la sécurité des usagers, en analysant les risques, et en vue de prévenir leur apparition et d’en contrôler la récurrence.

Précisément c’est l’Article 183.3 de la LSSSS qui dispose de cela.

Dans le cas d’un accident ou d’une chute dans un établissement hospitalier, l’importance de cette disposition est capitale : en effet, elle dispose des modalités d’utilisation des éléments contenu dans un dossier de gestion des risques et érige une protection de ces données confidentielles, précisément en matière de preuve visant à engager la responsabilité civile devant une instance judiciaire.

De manière non-équivoque, l’Article 183.3 de la LSSSS dispose que « Aucun élément de contenu du dossier de gestion des risques, y compris les conclusions motivées et, le cas échéant, les recommandations qui les accompagnent, ne peut constituer une déclaration, une reconnaissance ou un aveu extrajudiciaire d’une faute professionnelle, administrative ou autre de nature à engager la responsabilité civile d’une partie devant une instance judiciaire. ». Ainsi le dossier patient devient capital afin de documenter les évènements.

III. Le rapport du coroner : une source d’information non négligeable

Un rapport du coroner constitue un document public, pouvant être accessible à toutes et tous.

C’est en tout cas ce dont dispose l’article 96 de la Loi sur les coroners, L.R.Q. c. C-68.01, reconnaît formellement que le rapport du coroner constitue un document public : « 96. Le rapport du coroner, à l’exception des documents annexés et des parties du rapport qui ont fait l’objet d’une interdiction de publication ou de diffusion en vertu de la présente loi, est public et peut être consulté par toute personne. Une copie certifiée conforme peut en être obtenue sur paiement des droits prévus au règlement. ».

Le rapport du coroner peut se révéler pertinent : si un bénéficiaire meurt et qu’une autopsie est réalisée, les éléments indiquant les circonstances entourant la mort ainsi que les conclusions de l’autopsie qui se trouvent dans le rapport du coroner peuvent être pertinentes. La précision des circonstances de la mort du bénéficiaire peut venir éclairer une situation, et ainsi servir à définir quelle responsabilité engager ; cela peut aussi permettre de démontrer la récurrence d’incident ou d’accident (fractures répétées, etc) qui, lues conjointement avec le dossier d’usager, pourrait servir à démontrer la pertinence dudit rapport.

IV. Quelques limites : l’application de l’article 183.3 de la LSSSS ?

Comme on l’a vu, certains documents et rapports sont légalement protégés et sont irrecevables comme preuve, en vue d’engager la responsabilité civile devant une instance judiciaire.

Mais tous les documents ne sont pas à exclure : dans l’affaire M.M. c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (CHRTR), 2012 QCCAI 48, Dans cette affaire, le tribunal a autorisé la communication des rapports de déclaration et de divulgation d’accident qui doivent et, de fait, sont déposés au dossier de l’usager (voir par. 35 à 41).

Toutefois, il a refusé d’autoriser la communication du rapport d’analyse d’accident puisque ce document bénéficie d’une protection étanche et qu’il y a lieu de préserver la confidentialité absolue des dossiers et procès-verbaux dont le comité de gestion des risques est dépositaire, notamment le rapport d’analyse d’accident. Le rapport d’analyse d’accident ne fait pas partie du dossier de l’usager.

La portée de la protection de la confidentialité des documents relatifs à un incident ou un accident est très étendue. Par exemple dans une affaire, il fut décidé que la « gestionnaire de risques » œuvrant pour l’établissement de santé n’avait pas à répondre aux questions de la partie adverse portant sur les conclusions de l’enquête relative à l’accident survenu dans l’établissement de santé puisqu’il s’agissait de documents de nature confidentielle. (Boissonnault c. Fortin, 2010 QCCA 1620).

Mais il est possible aussi que le rapport de déclaration d’incident ou d’accident ne soit communiqué qu’en partie, par exemple, concernant uniquement les noms des témoins. Anderson c. CHU de Québec — CHUL, 2015 QCCQ 8835. Dans cette affaire par exemple qui concernait la chute d’une patiente dans le stationnement du CHUL, une demande de communication du rapport de déclaration d’incident ou d’accident rempli par un gardien de sécurité avait été refusée, sauf en ce qui concerne les noms des témoins.

V. Conclusions

Dans le cas où un proche accueilli dans un établissement hospitalier ou dans un CHSLD est victime d’une chute, ou d’un accident, ayez les bons réflexes : documenter les incidents et surtout, se rapprocher de nos uns avocats qui sauront vous guider et vous accompagner sereinement dans vos démarches.

REMARQUE : Cet article ne constitue pas un avis juridique ou une opinion juridique. Il vise uniquement à informer les lecteurs de certains aspects des lois entourant le droit de la responsabilité civile dans la province de Québec et au Canada.