Vente d’immeuble sans garantie légale : Est-ce imprudent d’acheter un immeuble sans suivre les recommandations d’un inspecteur du bâtiment ?

L’achat d’un immeuble est une étape importante dans la vie : qu’il s’agisse d’acheter une maison pour s’y établir et y vivre, ou d’acheter un appartement ou une copropriété pour investir ; l’achat immobilier nécessite de la vigilance et la vente d’un immeuble doit s’inscrire dans le cadre légal prévu à cet effet.

Lors de l’achat d’un immeuble…

Lors de l’achat d’un immeuble, il est vivement recommandé de faire procéder à une inspection par un inspecteur du bâtiment agréé, bien que cela ne soit pas une obligation.

Avoir un rapport objectif, expert et indépendant permet à l’acheteur de réaliser un achat de manière libre et éclairée.

Mais, dans le cas où un inspecteur suggérerait d’approfondir l’inspection par exemple, parce qu’il n’a pas eu accès à certaines zones de l’immeuble, à partir de quel moment ne pas suivre les recommandations de l’inspecteur préachat peut-il être caractérisé comme de la négligence ou de l’imprudence de la part de l’acheteur ?

C’est ce que nous allons explorer ici et voir quelle est l’étendue de la responsabilité et de l’obligation de l’acheteur lorsqu’il reçoit des recommandations de son inspecteur préachat.

Deux courants jurisprudentiels existent

Avant d’entrer dans les détails de ce cas de figure, il est nécessaire dans un premier temps d’expliquer qu’en matière de comportement de l’acheteur au regard de recommandations formulées par un inspecteur, deux courants jurisprudentiels existent.

L’un, très clairement, établit que l’acheteur n’a pas l’obligation de suivre les recommandations d’un inspecteur au bâtiment et l’autre, que l’acheteur ayant écarté les recommandations de l’inspecteur n’a pas de fondement à un recours devant le juge.

Il est possible que ces deux courants jurisprudentiels contradictoires s’expliquent par l’appréciation in concreto faite par le juge.

C’est-à-dire que caractériser le comportement de l’acheteur comme imprudent, négligent ou téméraire semble dépendre des circonstances de faits précises de l’affaire.

L’affaire Croteau c. Désilets, 2012 QCCS 171

Par exemple, dans l’affaire Croteau c. Désilets, 2012 QCCS 171, il s’agissait de présence d’ocre ferreuse.

Le défendeur (vendeur) soutenait que l’acheteur avait manqué de prudence et a donc fait preuve de négligence en ne suivant pas les recommandations de l’inspecteur préachat qui suggérait donc de procéder à une inspection plus poussée du système de drainage.

Le défendeur va même plus loin, et prétend qu’un acheteur raisonnable aurait été jusqu’à l’excavation du drain pour examiner plus en profondeur cette question d’ocre ferreuse.

Le juge dans cette affaire considère que premièrement, c’est très hypothétique de prétendre que le problème de système de drainage aurait pu être découvert en procédant à une excavation, car il aurait fallu excaver un emplacement se situant sous le perron de cette maison, et donc, de détruire le perron.

Le juge ajoute encore que « La proposition qu’un promettant-acheteur doive procéder dans ces circonstances à des analyses poussées incluant l’excavation des fondations pour constater l’état du drain est insoutenable.

Un acheteur n’a pas à excaver les fondations d’une maison âgée de deux ans ou casser la dalle de béton du sous-sol pour vérifier l’état du drain vu la présence d’ocre ferreuse qui, et cela est prépondérant, ne présentait pas de problématique ni lors de l’achat en 2006 ni lors du sinistre en 2008 » [63].

On voit dans cette affaire que les circonstances de fait ont clairement définir le seuil au-dessous duquel le défendeur ne peut prétendre à une négligence.

Cela peut être aussi le cas si l’inspecteur n’a pas été en mesure de procéder à une vérification, car il ne pouvait tout bonnement pas accéder physiquement à l’espace devant être examiné.

Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79

Ce sont les faits dans l’affaire Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79, où l’inspecteur avait inscrit dans son rapport ne pas avoir pu inspecter les combles, car il n’y avait « aucune trappe d’accès à l’entretoit. Nous n’avons pu vérifier : Isolation, ventilation, Coupe-vapeur, structure du toit et signe d’infiltration d’eau.

Avant de faire l’achat de la propriété, il serait très important de le faire vérifier. » [50]. Le juge comprend ce paragraphe comme l’inspecteur faisant une constatation, celle de ne pas avoir pu accéder aux combles pour y constater — ou pas — des indices de vices.

Il ne s’agit donc pas, en soi, d’une preuve d’un vice caché

Il ne s’agit donc pas, en soi, d’une preuve d’un vice caché, mais simplement le constat de l’impossibilité de prouver ou non la présence d’un vice. Dans cette affaire aussi, l’acheteur n’a pas été considéré comme négligent ou imprudent.

Dans ces deux affaires, il semble que le juge ne souhaitait pas faire peser un fardeau insoutenable sur les épaules de l’acheteur, celui-ci n’ayant pas à entreprendre des travaux pour procéder à un examen approfondi de l’immeuble, ou encore, n’étant pas responsable de l’absence de trappe pour accéder aux combles.

Mais alors, dans quel cas l’acheter est-il négligent ou imprudent ?

À nouveau, ce sont les circonstances de l’affaire qui vont définir la qualification du comportement de l’acheteur, comme étant imprudent ou négligeant.

Par exemple, dans l’affaire Cistellini c. Jinchereau, 2012 QCCS 1776, le juge rappelle que « Lorsque l’acheteur a déjà fait appel à un expert, la présence de signes annonciateurs d’un vice-potentiel oblige celui-ci à procéder à une inspection plus approfondie, à défaut de quoi le vice sera jugé apparent… » [49].

Cela signifie que dans un tel cas, le vice a priori caché devient apparent sur le plan juridique, et sera considéré comme tel par le juge.

De plus, dans cette affaire, l’inspecteur lui-même a avoué que les acheteurs pouvaient pressentir la présence d’un problème dans la charpente de la résidence. Ces derniers ayant décidé d’écarter les recommandations de l’inspecteur, le Tribunal a considéré le vice comme étant apparent.

De la même manière, dans l’affaire Parent c. Allard, 2008 QCCQ 1130, le Tribunal souligne que les recommandations de l’inspection ont souffert d’une « mise de côté pure et simple » par l’acheteur [41].

L’acheteur « doit alors se renseigner »

Le juge ajoute et s’attarde à déclarer que le demandeur (l’acheteur) « ne peut rester passif » lorsqu’il est informé par un inspecteur du bâtiment que l’immeuble a un problème [42]. Cet arrêt précise que l’acheteur « doit alors se renseigner sur la cause des problèmes, au risque de voir son recours rejeté » [43].

On comprend ici que le Tribunal a jugé que le comportement de l’acheteur était donc inférieur au seuil du raisonnable et donc, considéré comme imprudent.

Conclusion : Vente d’immeuble sans garantie légale

En conclusion, la considération du comportement de l’acheteur vis-à-vis des recommandations réalisées par l’inspecteur préachat dépend largement du cadre factuel dans lequel il s’inscrit.

En tous les cas, vous pouvez vous faire accompagner par nos avocats spécialistes en droit civil et en droit immobilier, qui sauront vous conseiller dans vos démarches.

REMARQUE : Cet article ne constitue pas un avis juridique ou une opinion juridique. Il vise uniquement à informer les lecteurs de certains aspects des lois entourant le droit de la responsabilité civile dans la province de Québec et au Canada.