Exagération des sommes réclamées = abus de procédure

Lorsque vous intentez une action en justice ou lorsque vous adressez une demande reconventionnelle dans le cadre d’un recours en justice dirigé contre vous, vous devez vous assurer qu’il existe une proportion entre la preuve que vous êtes capable de justifier et la demande en tant que telle, à défaut de quoi vous vous exposerez à une condamnation pour abus de procédure.

L’abus de procédure est défini par l’article 51 du code de procédure civile dans les termes suivants :

« Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d’office, déclarer qu’une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif.

L’abus peut résulter, sans égard à l’intention, d’une demande en justice ou d’un autre acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d’un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de l’utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, entre autres si cela a pour effet de limiter la liberté d’expression d’autrui dans le contexte de débats public ».

Si la Cour supérieure du Québec statue dans le sens d’un abus de procédure face à une réclamation manifestement exagérée (Vassiliou c. Charrette, 2021 QCCS 6070), tel n’a pas été le cas du juge de la Cour du Québec dans une décision en date du 17 janvier 2022 (Hôtel Clarendon inc. c. Lessard, 2021 QCCQ 785).

Dans la première décision, la demande reconventionnelle excessive du défendeur accompagnée par ses comportements abusifs en cours d’instance et en lien avec celle-ci, justifie l’octroi d’une réparation à hauteur de 9 918,32 $ mais au titre des honoraires d’avocats que le demandeur devait encourir uniquement.
En effet, la multiplication des reproches et des chefs de réclamation, le fait de réclamer des sommes exagérées et arbitraires pour justifier la résiliation unilatérale du contrat de bail mais aussi et surtout pour contraindre le demandeur à parvenir à un accord avantageux, ont été jugés suffisants pour justifier une condamnation à l’encontre du défendeur pour abus de procédure. Il y a ici dénaturalisation du recours et instrumentalisation de la procédure.
Dans la seconde décision, le juge a au contraire estimé que, bien que le caractère exagéré des sommes réclamées dans la demande était manifeste, ce seul élément ne permettait pas de conclure à un abus de procédure puisque le comportement des demandeurs était raisonnable et qu’il était question en l’espèce de questions de droit sérieuses. C’est ici que se situe toute la différence avec le fait de s’adresser de façon intègre à la Cour et le fait d’instrumentaliser l’appareil judiciaire afin de faire une pression indue sur la partie adverse.

Il semblerait donc que le caractère exagéré des sommes réclamées vous expose à une condamnation pour abus de procédure, mais à la condition que votre comportement et agissement soient tout aussi abusifs.

REMARQUE : Cet article ne constitue pas un avis juridique. Il n’est utilisé que pour informer les lecteurs sur certains aspects du droit et litige fiscal.