La captation en droit des successions : que faire si on soupçonne une captation ?

La captation : définition du Larousse : Manœuvre pour s’emparer d’une succession, ou simplement pour arracher quelque libéralité à quelqu’un.

Au Québec, comme dans beaucoup de sociétés dans le monde, les individus ont le droit illimité de tester, c’est-à-dire, de faire un testament et d’y mettre ce que bon leur semble.
Les personnes peuvent alors prévoir et organiser la succession et la liquidation de leur patrimoine après leur décès. Ce droit se retrouve à l’article 703 du Code civil du Québec, qui dispose que : « Toute personne ayant la capacité requise peut, par testament, régler autrement que ne le fait la loi la dévolution, à sa mort, de tout ou partie de ses biens ».
Pour faire un testament valide, la personne doit alors avoir « la capacité requise ». En d’autres termes, au moment de la rédaction du testament, le testateur doit être en mesure de faire des choix libres et éclairés, disposer de ses pleines facultés cognitives et mentales afin de donner un consentement valide.
Car, il peut arriver qu’un testateur — une personne âgée et/ou vulnérable — signe un testament, tout en étant (ou après avoir été) victime de manœuvre frauduleuse, de mensonge, de contrainte, de subterfuges, de menaces, de ruses ou même de violence physique ou psychologique, sans lesquelles il n’aurait pas signé un testament.
Cela s’appelle la captation, et peut fonder l’annulation du testament pour vice du consentement.

I. Définition

Juridiquement, la captation est une sorte de dol. La captation n’a pas de définition stricte dans le Code civil, mais sa portée et ses éléments constitutifs se sont précisés grâce à la jurisprudence.

La Cour d’appel a précisé que la captation doit d’une part, être prouvée par la partie qui l’invoque et d’autre part qu’il faut démontrer « qu’on se soit emparé de la volonté du testateur et que les gestes posés l’aient, de façon déterminante, amenée à signer un testament qu’il n’aurait pas signé autrement.

Ces gestes doivent s’apparenter à de la fraude. Des manifestations de dévouement – sincère ou simulé – de nature à susciter l’affection ne sont pas suffisantes » (Delli Quadri c. Antonacc au para. 8). On comprend que les agissements « poussant » la victime à signer un testament doivent revêtir une certaine gravité : en effet, les comportements tels que les marques d’affection, et la manifestation d’un intérêt ou de dévouement, même dans ce but, ne sont pas constitutives de la captation.

Dans une affaire, une revue de la jurisprudence avait été réalisée afin de dégager quelques caractéristiques communément admises auprès des tribunaux comme constituant de la captation.

En voici la liste :

  • l’avocat ou le notaire est choisi par l’héritier;
  • l’héritier joue un rôle actif dans la confection du testament notamment lorsqu’il donne lui-même les directives;
  • la personne désignée au testament est présente avec le notaire au moment du testament;
  • les héritiers potentiels ne sont pas avisés des hospitalisations ou de la vraie nature de la maladie du testateur;
  • les liens entre l’héritier désigné et le testateur s’intensifient et deviennent quasi exclusifs;
  • l’héritier obtient une procuration générale qu’il utilise que la situation le requiert ou non. Ce dernier confond les biens du testateur avec les siens et se place en conflit d’intérêts durant la gestion;
  • l’héritier ne rend pas compte de l’administration faite par lui des biens du donateur de son vivant ou en tant que liquidateur après décès;
  • le liquidateur s’empresse de partager les biens après le décès;
  • le testateur est vulnérable au moment ou durant la période qui précède le testament;
  • l’héritier s’immisce dans les affaires du testateur;
  • il existe entre l’héritier et les autres membres de la famille ou héritiers potentiels des tensions ou du ressentiment;
  • l’héritier avise tardivement les membres de la famille, du décès;
  • l’héritier isole le testateur et fait preuve d’une intention et de prévenance intéressée ainsi que d’altruisme;
  • l’héritier tente d’effacer de la mémoire du testateur les autres héritiers potentiels; par le retrait des cadeaux donnés par eux, le retrait de photos les représentant ou l’interception de correspondance;
  • l’héritier est nommé liquidateur;
  • avant le décès l’héritier reçoit des dons ou avantages;
  • un changement subit d’attitude du testateur s’opère face aux tiers et autres héritiers potentiels;
  • il y a omniprésence et influence de l’héritier auprès du testateur;
  • le testament reflète ce que l’héritier croit juste et légitime;
  • l’héritier calomnie les héritiers présomptifs et irrite le testateur contre ces personnes;
  • l’héritier fait état ou exagère sa situation économique difficile;
  • plus d’un testament ou codicilles sont préparés;
  • les membres de la famille et autres tiers ne sont pas avisés des funérailles qui sont tenues dans la plus stricte intimité afin d’éviter aux héritiers de répondre aux questions concernant le testament et pour conserver le maximum de capital dans la succession. (M.P. c. F.D au para. 38)
La Juge Johanne Brodeur avait alors souligné que dans les affaires relatives à la captation, au moins un de ces comportements apparaissait, et pourrait ainsi caractériser la captation.

II. Le fardeau de la preuve

Par principe, la preuve incombe au demandeur. Dans le cas d’une captation, le fardeau de la preuve incombe donc à celui ou celle qui invoque le vice de consentement.

Comme nous l’avons vu plus haut, la captation est souvent le résultat de ruse, de fraude et de subterfuge, et ces comportements et agissements s’exécutent bien souvent avec beaucoup de discrétion et de secret. Ainsi, dans un premier temps, il est fréquent que les proches de la personne décédée soupçonnent une captation.

Les présomptions de fait sont des moyens de preuve acceptés par les tribunaux, et leur caractère probant est laissé à l’appréciation du tribunal. La présomption est définie par le Code civil du Québec à l’article 2849 qui dispose que : « Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l’appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes. ».

Concrètement, pour vérifier et évaluer la force probante d’une présomption de fait, le juge doit se poser trois questions :
« — Le rapport entre les faits connus et le fait inconnu permettent-il, par induction puissante, de conclure à l’existence de ce dernier ?
— Est-il également possible d’en tirer des conséquences différentes ou même contraires ? Si c’est le cas, le fardeau n’est pas rencontré.
— Est-ce que dans leur ensemble, les faits connus tendent à établir directement et précisément le fait inconnu ? » (Barrette c. Union canadienne [L’], compagnie d’assurances au para. 35)
En matière de captation un autre élément est crucial : la crédibilité des témoins est d’importance capitale en matière de captation. En effet, dans l’affaire M.P. c. F.D, le tribunal accorde une forte force probante à des déclarations. Des témoignages peuvent donc contribuer à caractériser la captation.

III. Conclusions

Perdre un proche est déjà un événement très difficile, si en plus vous soupçonnez une captation, cela peut rendre les choses encore plus pénibles. N’hésitez pas à contacter l’un de nos avocats en des successions, qui saura vous conseiller et vous accompagner.

REMARQUE : Cet article ne constitue pas un avis juridique ou une opinion juridique. Il vise uniquement à informer les lecteurs de certains aspects des lois entourant la droit des successions dans la province de Québec.