Disparition et déclaration d’absence : comment faire reconnaître le décès de la personne disparue et ainsi permettre la liquidation de sa succession ?

Un parent a disparu sans laisser de traces et vous êtes ayant-droit ? Un moyen juridique s’offre à vous afin de faire liquider sa succession.

Deux doigts tenant une pièce d'un puzzle et tentant de les assembler signifient la déclaration d'absence d'une personne.

Déclaration d’absence : Code civil du Québec, articles 84, 85, 92

Le Code civil du Québec, en ses articles 84, 85, 92 et suivants prévoit la situation juridique d’« absence ».

Selon ces dispositions, l’absent est celui qui, alors qu’il avait son domicile au Québec, a cessé d’y paraître en ne donnant plus de nouvelles et sans que l’on sache s’il vit encore. Ces trois critères sont cumulatifs et fondamentaux pour qualifier juridiquement une situation dans laquelle une personne a cessé de paraître de situation d’absence.

Les sept premières années d’absence

Durant les sept premières années d’absence, la personne sera présumée vivante. Toutefois, cette présomption pourra être renversée si l’on parvient formellement à prouver le décès avant l’expiration de ce délai. Si le corps est retrouvé et que la date de décès peut être établie, l’acte de décès sera rétroactivement fixé à cette date.

A l’issue de ces sept années, une demande introductive d’instance pour jugement déclaratif de décès pourra être introduite afin que soit prononcé un jugement déclaratif de décès. Ce jugement produira alors les mêmes effets que le décès et permettra en outre de faire liquider la succession de l’individu absent.

Cette demande peut être introduite par tout intéressé, y compris le curateur public et le ministre du Revenu du Québec, dans ses fonctions d’administrateur provisoire de biens.

Il est en outre à noter qu’une telle demande pourra également être présentée avant l’écoulement de ce délai si des indices graves, précis et concordants permettent de conclure de façon certaine et non équivoque à la mort de l’individu absent.

La vigilance s’impose !

Une vigilance quant à la preuve sera ici de mise, les tribunaux se montrant récalcitrants à prononcer le jugement déclaratif de décès en l’absence d’éléments forts permettant de conclure de façon certaine à la mort. .

Renda (Re) et Directeur de l’état civil, 2013 QCCS 100

En ce sens, une décision rendue par la Cour supérieure du Québec en date du 22 janvier 2013 dite Renda (Re) et Directeur de l’état civil, 2013 QCCS 100 a rejeté une demande pour jugement déclaratif de décès avant l’expiration du délai de sept ans en raison de la faiblesse de la preuve.

Dans cette affaire, la demanderesse souhaitait faire déclarer son conjoint décédé puisqu’il avait disparu depuis le mois de mai 2010. Or, le juge a estimé que le témoignage de la demanderesse était vague et parsemé de ouï-dire et que celui-ci n’était pas assez solide pour permettre de faire déclarer la personne décédée. En effet, suivant le dispositif, la preuve circonstancielle doit porter sur le décès lui-même, l’absence d’une personne ne constituant qu’un seul des éléments de cette preuve.

Or, il n’en était manifestement rien ici : la preuve établissait au mieux que l’individu n’avait pas revu sa femme et son enfant depuis le mois de mai 2010, soit trois ans.

Threlfall c. Carleton University, 2019 CSC 50

Une décision rendue par la Cour Suprême du Canada en date du 22 février 2019 dite Threlfall c. Carleton University, 2019 CSC 50, met en exergue la différence dans la preuve à obtenir suivant que le délai de sept ans est écoulé ou non.

Dans cette affaire, les juges explicitent que la présomption de vie cesse de s’appliquer après sept années d’absence, puisqu’elle est remplacée par la présomption du décès de l’absent.

Pour obtenir un jugement déclaratif de décès sept ans après la disparition, les juges soulignent qu’il n’est pas nécessaire de faire la preuve concluante du décès de l’absent, justement parce que l’absent est alors présumé décédé. La seule preuve de l’absence de la personne et le fait que celle-ci ait duré sept ans à compter de la disparition pourra permettre de fonder un jugement déclaratif de décès, cela rapprochant ainsi l’état du droit québécois à celui du droit français et à celui du droit allemand.

Les juges précisent en outre que la présomption de décès court ici à compter du jugement déclaratif de décès et non pas à compter de la disparition de l’individu pour la raison suivante : la présomption de décès et le jugement déclaratif de décès n’ont pas pour effet d’écarter la présomption de vie qui était en vigueur pendant la période d’absence de sept ans. Si la date du départ de l’absent est peut être moins arbitraire pour fixer son décès, celle du jugement déclaratif de décès sera plus certaine. Le caractère rétroactif de la présomption de décès est donc ici rejeté car il aurait eu pour effet de valider tous les actes irréguliers faits depuis le départ de l’absent. Les juges précisent enfin que cette règle générale de non rétroactivité de la présomption de décès n’est l’objet que d’exceptions spécifiques.

En cas de retour de la personne absente ou si l’on parvient à rapporter la preuve que celle-ci n’est en réalité jamais décédée, le jugement déclaratif de décès pourra bien évidemment être annulé.

2004 dite Pelletier c. Lacasse, 2004 CanLII 41568 (QC CS)

En ce sens, une décision rendue par la Cour supérieure en date du 12 novembre 2004 dite Pelletier c. Lacasse, 2004 CanLII 41568 (QC CS) annule un jugement déclaratif de décès bien que des preuves sérieuses pouvaient valablement permettre de conclure au décès.

Dans cette affaire, l’individu avait été vu pour la dernière fois dans la nuit du 1er mars 1990 alors qu’il quittait son travail. Après l’écoulement de sept années, sa conjointe obtint un jugement déclaratif de décès. Or, en 2004, l’individu réapparaît : celui-ci est hospitalisé à l’Hôpital Royal Victoria de Montréal et sa demande de carte d’assurance maladie ne peut aboutir en raison du jugement déclaratif de son décès. Ne pouvant se présenter en personne pour des raisons de santé mais des preuves évidentes qu’il était bien vivant ayant pu être rapportées, le juge conclut à une situation de retour de l’absent et annule ce faisant le jugement déclarant son décès.

S’il existe des situations irréfutables telles que la naissance ou la mort d’une personne, il existe également des situations plus incertaines qui – si elles n’étaient pas prises en compte – laisseraient place à des vides juridiques évidents qui mettraient en difficulté bien des personnes. C’est la raison pour laquelle le droit, matière évolutive et malléable, s’adapte à la société pour laquelle il a été conçu en permettant notamment de prévoir les conséquences juridiques et patrimoniales de l’absence prolongée et injustifiée d’un individu.

REMARQUE : Cet article ne constitue pas un conseil juridique ou un avis juridique. Il sert uniquement à informer les lecteurs de certains aspects des lois entourant la Déclaration d’absence au Québec.